DEMANDE DE PROROGATION DU DÉLAI POUR DÉPOSER UNE DEMANDE EN RÉVISION D’UNE DEMANDE DE LICENCE D’EXPORTATION DE BIENS CULTURELS REFUSÉE


Chemin entre des murs à Avallon
de Félix Vallotton
Demande no 0495-20-10-01-006

Le 16 septembre 2021


PDF Icon  Décision de la Commission : demande de prorogation du délai PDF (271 KB)

INTRODUCTION

  1. PACART (la Partie demanderesse) a demandé à l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) une licence d’exportation (la Licence d’exportation) visant l’œuvre Chemin entre des murs à Avallon, 1923, de Félix Vallotton (l’Objet).
  2.  
  3. L’ASFC a envoyé à la Partie demanderesse un avis de refus écrit (l’Avis de refus) visant l’Objet. Le refus se fondait sur l’avis d’un représentant du Musée des beaux-arts de Winnipeg (l’Expert-vérificateur), qui a déterminé que l’Objet appartient à la Nomenclature des biens culturels canadiens à exportation contrôlée, présente un intérêt exceptionnel et est conforme au critère d’importance nationale énoncé dans la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels (la Loi).
  4.  
  5. Le 28 juin 2021, la Partie demanderesse a demandé à la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels (la Commission) de réviser la demande de licence d’exportation qui lui avait été refusée. Jointes à cette demande (la Demande en révision) se trouvaient les observations écrites de la Partie demanderesse sur la ponctualité de la Demande. Plus précisément, la Partie demanderesse soutenait que la Demande en révision n’avait pas été présentée en retard, mais que le cas échéant, la Commission devrait proroger le délai de dépôt (la Demande de prorogation de délai).
  6.  
  7. Le 26 juillet 2021, à la demande de la Commission, la Partie demanderesse a déposé des observations écrites sur le pouvoir de la Commission à proroger le délai pour demander la révision d’une demande de licence d’exportation refusée.
  8.  
  9. La présente décision porte sur le bien-fondé de la Demande de prorogation de délai.
  10.  

QUESTIONS SUR LESQUELLES LA COMMISSION DOIT SE PRONONCER

  1. La Commission doit se prononcer sur les deux questions suivantes :
    1. Est-ce que la Demande en révision de la Partie demanderesse a été déposée après le délai de 30 jours fixé pour déposer une demande, qui est stipulé au paragraphe 29(1) de la Loi? Le cas échéant,
    2. La Commission a-t-elle la compétence pour proroger le délai de 30 jours?
  2.  

FAITS PERTINENTS

  1. La section D de la Partie II de la Demande de licence, remplie par l’ASFC, indique que l’Avis de refus a été envoyé le 18 mai 2021, et que la date limite pour interjeter appel était le 18 juin 2021.
  2. Un timbre dateur surimposé sur les dates du 18 mai et du 18 juin 2021 indique la date du 25 mai 2021.
  3. L’Avis de refus envoyé à la Partie demanderesse est daté du 25 mai 2021.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

  1. 10. Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :
    Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, L.R.C. (1985), ch. C-51 Cultural Property Export and Import Act, R.S.C., 1985, c. C -51
    24. Dans le cadre de la présente loi, la Commission peut établir des règles pour assurer la conduite de ses travaux et l’exercice de ses fonctions.
    24. The Review Board may make rules not inconsistent with this Act for the conduct of its proceedings and the performance of its duties and functions under this Act.
    28. La Commission règle l’affaire dont elle est saisie avec aussi peu de formalisme et autant de célérité que le permettent, à son avis, l’équité et les circonstances.
    28. The Review Board shall dispose of any matter before it as informally and expeditiously as, in its opinion, the circumstances and considerations of fairness will permit
    29(1) Dans les trente jours suivant l’envoi de l’avis de refus prévu à l’article 13 ou de l’avis prévu à l’article 15, son destinataire peut, par écrit, saisir la Commission d’une demande en révision.
    29(1) Any person who receives a notice of refusal under section 13 or a notice under section 15 may, within thirty days after the date on which the notice was sent, by notice in writing given to the Review Board, request a review of his application for an export permit by the Review Board.

LA POSITION DE LA PARTIE DEMANDERESSE

  1. La Partie demanderesse reconnaît que le délai de 30 jours fixé au paragraphe 29(1) de la Loi commence à la date de « l’envoi » de l’Avis de refus par l’ASFC. Elle soutient, cependant, qu’on ne dispose d’aucune donnée pour confirmer la date à laquelle l’Avis de refus a vraiment été envoyé. Elle précise que les dates apparaissant dans la section D de la Partie II de la demande de licence et sur l’Avis de refus ne sont pas pertinentes aux fins du calcul du délai pour saisir la Commission. Dans tous les cas, la Partie demanderesse soutient que ces dates divergent.
  2. De plus, la Partie demanderesse fait valoir qu’en raison des retards internes habituels dans le traitement de la correspondance, et des retards additionnels causés par la pandémie de COVID-19 et le télétravail, il est raisonnable de croire que l’Avis de refus n’a pas été envoyé par l’ASFC le 25 mai 2021.
  3. En l’absence de tout élément de preuve indiquant la date à laquelle l’Avis de refus a été envoyé par l’ASFC, la Partie demanderesse soutient que le délai de 30 jours devrait courir à partir du 28 mai 2021, date à laquelle la direction de la société propriétaire du bien a été mise au courant du refus de la demande de permis.
  4. Si la Commission estime que l’Avis de refus a été envoyé le 25 mai 2021, la Partie demanderesse soutient que le délai de 30 jours arriverait à échéance le 28 juin 2021 pour les raisons suivantes :
    1. Le 30e jour tombe le jeudi 24 juin 2021, un jour férié dans la province du Québec;
    2. La majorité de la population de la province était en congé le vendredi 25 juin 2021, et il était donc impossible que la Partie demanderesse ou que les propriétaires de l’objet obtiennent un avis juridique ce jour-là.
  5. Autrement, si la Commission estime que la Demande en révision a été présentée en retard, la Partie demanderesse demande à la Commission de proroger le délai de dépôt. En bref, la Partie demanderesse invoque que la Commission a la compétence pour proroger le délai en raison des articles 24 et 28 de la Loi et de l’article 12 de la Loid’interprétationFootnote 1. La Partie demanderesse renvoie aussi la Commission à sa Directive type sur la procédure de révision d’une demande de licence d’exportation, dans laquelle il est énoncé à l’alinéa 2.2 que la Commission peut proroger tout délai fixé dans une procédure.

ANALYSE

  1. La Partie demanderesse reconnaît à juste titre que le paragraphe 29(1) de la Loi exige qu’une demande en révision soit déposée dans les 30 jours suivant la date à laquelle l'avis de refus a été envoyé.
  2. Pour déterminer la date à laquelle un avis de refus est envoyé, la Commission doit se fier aux renseignements contenus dans la documentation qui lui est présentée. Dans cette affaire, la Commission dispose des renseignements suivants :
    1. La Demande de licence, et en particulier, la déclaration faite par un agent ou une agente de licence de l’ASFC à la section D de la Partie II de la demande selon laquelle l’Avis de refus a été envoyé le 18 mai 2021;
    2. L’Avis de refus lui-même qui est signé par l’agent ou l’agente de licence de l’ASFC et daté du 25 mai 2021;
    3. Un timbre dateur de l’ASFC indiquant le 25 mai 2021, qui est surimposé sur la date du 18 mai 2021, trouvé à la section D de la Partie II de la Demande de licence.
  3. Habituellement, la Commission estimerait, à partir de ces renseignements, que l’ASFC a envoyé l’Avis de refus à la Partie demanderesse le 25 mai 2021, et que le délai imposé par la loi devrait courir à partir de cette date. Cela aurait pour conséquence de conclure que la Demande en révision aurait dû être déposée au plus tard le 25 juin 2021Footnote 2.
  4. Cependant, des cas récentsFootnote 3 faisant jurisprudence montrent que les tribunaux, et sans conteste les tribunaux administratifs, peuvent prendre acte des exigences pratiques de la pandémie de COVID-19 pour trancher les questions portées devant eux. En conséquence, même si la documentation suggère que l’Avis de refus a été envoyé le 25 mai 2021, la Commission estime qu’il est raisonnable de conclure que la pandémie de COVID-19 et ses effets sur l’ensemble des services du gouvernement du Canada ont pu entraîner un léger retard dans l’envoi de l’Avis de refus.
  5. La Commission en conclut que la Demande en révision n’a pas été présentée en retard.
  6. Il faut cependant souligner que si la Commission avait conclu que la Demande en révision avait été présentée après le délai de 30 jours précisé dans la Loi, elle aurait tout autant estimé qu’elle n’avait pas la compétence de proroger le délai de dépôt.
  7. La Loi ne confère pas à la Commission l’autorisation explicite de proroger le délai de dépôt. En l’absence de l’octroi légal d’autorité ni expresse ni implicite pour proroger le délai, il est improbable qu’elle ait le pouvoir de proroger un délai relatif à l’ouverture d’une procédureFootnote 4. Ce point de vue est confirmé par la jurisprudenceFootnote 5.
  8. De plus, puisque selon les tribunaux, les délais prescrits par la loi sont de nature substantielle et non strictement procéduraleFootnote 6, la Commission ne peut pas invoquer l’article 24 de la Loi pour proroger un délai. L’article 24 est plutôt conçu pour permettre à la Commission d’établir des règles relatives à l’exercice et à la procédure pour favoriser une résolution juste et rapide des affaires dont elle est saisie. Si une demande en révision est inopportune, la Commission n’est pas saisie de l’affaire et, à cet effet, il n’y a pas de processus ni de procédure à contrôler.

CONCLUSION

  1. Puisque la Commission a estimé que la Demande en révision n’a pas été présentée en retard, la Demande de prorogation de délai est refusée, car elle est jugée inutile.

Au nom de la Commission,

Sharilyn J. Ingram, présidente
Glen A. Bloom
Tzu-I Chung
Laurie Dalton
Patricia Feheley
Madeleine Forcier
Theresa Rowat
Paul Whitney


Return to footnote 1 referrer L.R.C., 1985, c. 1-21.

Return to footnote 2 referrer Un délai de trente jours après l’envoi de l’Avis de refus porte l’échéance au 24 juin 2021, mais cette date est un jour férié au Québec. Selon les articles 26 et 35 de la Loi d’interprétation, un jour férié ne peut pas constituer une échéance. L’échéance doit donc tomber le jour suivant, soit le vendredi 25 juin 2021.

Return to footnote 3 referrer Voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Conseil canadien pour les réfugiés, 2020 CAF 181 et R. v. Baidwan, 2020 ONSC 2349.

Return to footnote 4 referrer Practice and Procedure Before Administrative Tribunals, par MacAuley, Sprague et Sossin, 16:72.

Return to footnote 5 referrer MacNeil c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2012 BCCA 360.

Return to footnote 6 referrer Voir Décision No 806/02, 2002 ONWSIAT 1433, qui fait référence à Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Société Radio-Canada, 1996, 28 C.H.R.R.D 139, et Tolofson c. Jensen 1994 CanLII 44 (CSC), [1994] 3 RCS 1022.

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